الجمعة، 10 مايو 2024

Download PDF | Anna Komnene, Alexiade Tomes 1-3 , , trans. Bernard Leib, Paris, 1937.

Download PDF | Anna Komnene, Alexiade Tomes 1-3 , , trans. Bernard Leib, Paris, 1937.

Tomes 1, 530 PP , Tomes 2, 484 PP,  Tomes 3, 550 PP




Nous sommes heureux d'associer dans un méme hommage de reconnaissance Sa Sainteté le Pape Pie ÀT et l'Institut de Franre, dont la libéralité a rendu possible la publication de ve volume. Préparée à Paris, achevée en grande partie à Rome, à PInsttut Pontifieal des Etudes Orientales où nous étions professeur, l'édition de l'Aleæiade parait sous ce double etéminent parranage. Le Saint l'ère, par l'intermédiaire d'un savant, S. E. le Cardinal (riovanni Hereal, a daigné encourager une fois de plus Les études bysantines et faciliter, avee l'Académie des Inseriptions el Belles Lettres, la publication d'une collection universitaire française: nous lenons À redire iei toule notre respectueuse gratin.




















Un denotr particulier de longue revonnaissance nous fait remercier Monsieur Charles Diekl, de l'Institut, directeur de la culleelton bytantine publiée sous le patronage de lAssuciation Guillaume Bndé, qui, après avoir jadis, ave une hienveillanre tnlassable, dirigé nos premières recherches sur l'histoire de Dyianee, nous a sans cesse quidé et soutenu dans notre travail. Puisse vel ouvrage, en apportant une modeste contribution à l'histoire de l'empire d'Orient. être en méme temps un nouvel hommage rend an Maitre qui a illustré devant le monde la ehaire des Etudes bysantines en Sorbonne,

























Nous denons ausst exprimer trés spéetalement notre vire yraltude aur RR, PP, Bollandistes, dont nous avons reçu depuis lonytemps Üaide la plus Jralernelle : par une amitié que ne lasse aueun servie el qu n'a d'égale que leur compétence, ils ont bien voulu s'intéresser & notre publicalion. Nous avons à cœur de leur assorier pour les mémes raisons le IR, P, Viller, s, j., ancien professeur à l'Institut Pontifical des Études Orientales à Rome.






























Comment enfin ne pas rendre témoignage au précieux*concours que nous ont prêté avec un dévouement ei une cordialilé qui nous honorent, soit pour l'établissement du texte, soit pour les recherches historiques, soit pour la correction des épreuves, M. H. Grégoire, professeur à l'Université de Bruxelles, le R. P. Mariès, s. j., professeur à l’Institut Catholique de Paris, le R. P. Hausherr, s. j., professeur à l’Institut Pontifical des Études Orientales à Rome, M. À. Dain, professeur à l’École des Hautes Études et à la Faculté libre des Lettres de Paris, M. R. Guilland, professeur au Lycée Janson de Sailly et chargé d’un cours d'hisioire byzantine à la Sorbonne, Maître Helmer, de Mulhouse, un humanisie qui sait allier à une haute culiure Juridique la science d'un byzantiniste, ei d’autres encore dont nous ne pouvons citer lei les noms. À tous, nous disons notre merci le plus sincère, en souhaitant que leur peine trouve quelque récompense dans la présente édition de l'Alexiade d'Anne Comnène.




























AVANT-PROPOS

Sur l’empereur Alexis et sur sa fille Anne Comnène, nous avons deux ouvrages de valeur, celui de F. Chalandon, Essai sur le règne d’Alexis TI Comnène (10811118), Paris 1900, et celui de G. Buckler, Anna Comnena, London, 1929. Aussi cette introduction n’a-t-elle nullement la prétention de refaire ce qui est déjà bien fait, mais seulement de mettre le lecteur de la présente édition en mesure de comprendre et d'apprécier plus facilement une œuvre historique dont personne ne conteste le mérite. Nous avons tiré de l’Alexiade même tout ce qui était susceptible d'atteindre ce but, et nous renvoyons, en notes, aux pages de G. Buckler (— G. B.) ceux qui souhaiteraient une documentation complète.























Les explications, techniques ou autres, seront données à l'occasion de la traduction du texte, auquel renvoient les références que nous mettons en note dans l'Introduclion générale.



















INTRODUCTION GÉNÉRALE


Le 1°’ décembre 1083, Alexis I‘ était rentré en triomphateur dans sa capitale, après avoir vaincu les envahisseurs normands. Le lendemain samedi, à l’aube, lui naïssait une fille: c'était Anne Comnène?, dont la ressemblance avec son père était étonnante. Cette naïssance avait été marquée par un événement singulier. Quatre jours plus tèl, l’impératrice Irène Doukas, la femme de l’empereur Alexis, sentant les douleurs de l’enfantement, avait fait sur son sein le signe de la croix en disant : « Attends encore, petit, jusqu à l'arrivée de ton père ». Maïs sa mère, la protovestiaria, l'avait reprise aussitôt : « Sais-tu donc si ton mari ne reviendra pas seu- lement dans ur mois? Comment pourras-tu alors endurer de si longues douleurs ? » Cependant l’ordre de l'impératrice fut entendu, et Anne y voit un signe avani-Coureur de son amour pour ses parenis.
































Les rites traditionnels, en usage lors de la naissance d’un prince impérial, furent de tous points observés : acclamations, distributions de présenis et de dignités aux chefs du sénat et de l'armée. C'était partout la joie jusqu'à l’exaltation, et des chants d’allégresse ; la famille de la basilissa en particulier ne se possédait plus, car cette naissance rendait indestructible l’union entre Alexis et Irène, qui semblait bien fragile à cause de la rivalité des Doukas et des Comnènes.
























Quelques jours plus tard, cette enfant était fiancée au jeune Constantin Doukas, le fils d’un précédent empereur, Michel VII Doukas, nouveau lien entre les deux familles rivales. Anne fut donc honorée du diadème impérial, tandis que Constantin, associé au trône, signait comme Alexis les diplômes impériaux avec de l'encre de pourpre, et suivait dans les processions le basileus en portant la tiare. L’Alexiade rappelle avec complaisance comment le jeune couple était également acclamé après l’empereur‘.

























Anne Comnène insiste, dès l'introduction, sur son origine princière, car elle est née dans la Porphyra, en vraie porphyrogénète?, et sur l'instruction soignée qu’elle reçut. Loin d’être étrangère aux belles-lettres, elle s’est attachée à l'étude du grec jusque dans ses finesses ; une fois son instruction d’enfant terminée, elle s'est adonnée à la rhétorique et à la philosophie ; elle a lu Aristote et Platon, Démosthène et Polémon, Homère, les poètes et les historiens ; elle s’est formée par le quadrivium des sciences, elle a travaillé son style *.


Nous voyons, en parcourant son ouvrage, qu’elle s’est occupée d’astrologie et de divination 5, qu’elle est compétente en mathématiques, et qu’elle juge à bon escient la valeur scientifique de Nicéphore Diogène ‘. Elle ne possède pas moins la théologie et le droit canon, comme nous pouvons en juger à propos des théories qu’elle expose, celles de Nilos par exemple, ou des canons auxquels elle se réfère ?. Elle connaît également la médecine, et elle sera chargée par sa mère, l’impératrice Irène, d'apprécier les diagnostics des médecins sur la maladie mortelle de son père ?.


Anne Comnène nous apparaît donc comme un esprit très supérieur : elle le sait, mais elle en attribue le mérite premier au Créateur *, et nous n'avons pas le droit de suspecter ici sa sincérité. Car elle est foncièrement pieuse, et à la fin de sa vie, elle reslera dans l'ombre, uniquement occupée de livres et de Dieu 5. C’est ainsi que se consolait et se consumait la brillante princesse de jadis, maintenant vieillissante.


Aussi bien Anne Comnène est-elle loin d’être une pure intellectuelle. Le cœur est chez clle très développé et je n’en donnerai comme exemple que son amour pour ses parents, ou son affection pour les siens.


Nous avons déjà remarqué comment elle prend plaisir à se montrer soumise dès le sein de sa mère 5 : ses sentiments très vifs de piété filiale se nuançaient de respecl et, un jour, malgré l'urgence d’une situation qui réclame l'intervention d'Alexis, elle n’osera pas interrompre la prière de son père el de sa mère : elle se décidera seulement à faire de loin des signes à cetle dernière 7.


La crainte révérenticlle à l'égard de son père ne génait nullement du reste l'affection passionnée et admirative d'Anne Comnène. Elle aimait à veiller sur lui, en secondant l'impératrice de son mieux, de tout son cœur el de toute son âme, sans jamais se relâcher #. Le dernier chapitre du livre XV, où elle raconte la mort du basileus, est poignant


‘émotion, tellement il a été vécu profondément et douloureusement par celle qui l'écrit. C'est qu'Alexis, pour sa fille, était tout : « son soleil », « le grand phare » qui éclaire le monde; sa mère Irène lui était bien chère aussi : « le grand chef-d'œuvre de l'Orient et de l'Occident », cette autre grande lumière, quoique plus pâle, puisqu'elle est comparable « aux rayons de la lune »1. Avec ce goût pour la lumière, la princesse byzantine se montre la digne descendante des Grecs.















 Anne et sa famille.

Mais Anne est également fière de tous les membres de sa famille, et elle nous les a dépeints de telle manière que nous la comprenons parfaitement. Aussi bien du côté paternel que du côté maternel, ses ancêtres ont régné sur le trône de Constantinople ?.


Elle mentionne à deux reprises son arrière-grand-père, Manuel Comnène, qui fut, sous Basile IT, général en chef de l’armée d'Orient et qui commanda les opérations contre le terrible rival de l’empereur, Skléros *. Ce Manuel eut deux fils, Isaac, et Jean, le père d’Alexis Ier. Ces deux fils, restés orphelins par suite de la mort prématurée de leurs parents, furent élevés par l’empereur Basile lui-même qui les confia aux moines Studites pour deux raisons : afin que les exempiles qu'ils avaient sous les yeux les formassent à la vertu, et afin qu'ils pussent sortir plus facilement de la ville quand ils allaient chasser‘. Aussi bien leur éducation fut-elle essentiellement militaire, fort peu littéraire, et pas du tout monacale. Quand ces deux enfants furent devenus des jeunes gens, Îsaac épousa l’aînée des filles du roi des Bulgares, Samuel, et Jean, une fille de Charon, le représentant du bastleus en Italie et marié à une Dalassène 5.





































Jean eut cinq fils: Manuel, Isaac, Alexis, Adrien, Nicéphore, et trois filles, Marie, Eudocie, Théodora‘. Isaac parvint à l'empire à la faveur d’une révolution militaire et avec l'appui du patriarche Michel Cérulaire (1057). Mais celui-ci devenu gênant, il le fit arrèter et allait le faire juger, quand le patriarche mourut subitement. Peu de temps après, Isaac abdiqua de lui-même (1059), non sans avoir offert au préalable la couronne à son frère Jean, qui la refusa malgré les instances et les objurgations de son épouse, Anne ?.


Constantin X Doukas (1059-1067) lui succéda, et quand il mourut, sa veuve, l’impératrice Eudocie, épousa Romain IV Diogène (1067-1071). Ge dernier, après avoir été vaincu par les Turcs à Mantzikiert (1071) et fait prisonnier, fut aveuglé par les émissaires de son beau-fils, qui monta sur le trône sous le nom de Michel VIH Doukas (ro71-1078). Mais bientôt le général Nicéphore Botaniatès se révoltait et déposait son souverain qu’il reléguait dans un monastère ; cependant il gardait la femme de celui-ci, l'épousait illégitimement du vivant de son mari, et montait sur le trône où il resta jusqu'à ce qu'Alexis Comnène l’en eût chassé en 1081.

















Anne Dalassène.

Jean Comnène fut nommé par son frère Le basileus, « curopalate » et « domeslique des scholes ». Bryenne fait le plus grand éloge de ses exploits militaires, de sa justice et de son humanité. Mais sa mort suivit de près celle d’Isaac, et sa veuve, Anne Dalassène, se chargea de l’éducation des huit enfants.


Anne Comnène a laissé de sa grand’mère, qu'elle connut peu, nous dit-elle, un éloge qui occupe les chapitres 7 et 8 du livre IT ; remarquablement énergique, de haute vertu et de grand esprit, elle avait le génie du gouvernement, grâce à une longue expérience et à une grande perspicacité. Bref, c'était une femme d'action, qui savait parler avec persuasion, sans discourir, agréablement, mais nettement. Dans sa jeu nesse, son maintien déjà grave témoignait de sa verlu. À l’âge mûr, toutes ses qualités, prudence, vigueur, intelligence, savoir, se trouvaient dans leur perfection, et c'est alors qu’elle fut appelée à aider ses deux fils, d'abord à saisir le pouvoir, ensuite à l'exercer‘. Elle était encore en proie au chagrin d’avoir perdu son aîné, Manuel, général en chef des troupes d'Asie, quand Alexis, alors âgé d’une quinzaine d'années, voulut partir en campagne avec le basileus Romain Diogène. Celui-ci eut pitié de la douleur d'une mère et refusa d'emmener l’adolescent?. Mais Anne était bien résolue pourtant à assurer, autant qu'il dépendait d'elle, la fortune de ses fils qui avaient perdu le trône à cause du trop grand désintéressement de leur père. Elle ne cesse de les aider de ses conseils quand, sous l’empereur Nicéphore Botaniatès, ils sont en butte à la jalousie et doivent s'assurer la bienveillance de la basilissa Marie d’Alanie, devenue la femme de Nicéphore, après avoir été celle du faible Michel VII3. Elle suggère à Isaac les prétextes qui lui permettront de pénétrer jusqu'à l’impératrice en sc faisant accompagner d’Alexis * ; elle est au courant du complot de ses fils et délibère avec les conjurés5 dont elle favorise habilement la fuite. En l’absence des hommes, c’est elle qui sera le chef du groupe féminin. Elle se débarrasse d'un fâcheux pédagogue qui l’a rejointe, la nuit, pendant qu'elle allait chercher refuge dans une église, en l’envoyant monter la garde devant les portes du palais impérial jusqu'au petit jour ; elle obtient l'accès du sanctuaire en se faisant passer pour une femme d'Orient qui, ainsi que ses compagnes, a dépensé tout son argent dans la capitale, et qui veut faire ses dévotions de grand matin avant de regagner son pays ; elle mystife l'officier chargé par l’empereur de la ramener, en le prenant de haut, en défendant la fidélité de ses enfants, et en se cramponnant aux portes de l’iconostase qu'elle ne lâchera, dit-elle, que si le souverain lui envoie sa propre croïx comme gage de clémence, et encore, non pas n'importe quelle croix, surtout pas une petite croix, mais une croix de grande dimension, afin que tout le monde puisse bien être témoin du serment; autrement, qui sait si on n'éluderait pas la promesse ? ! Elle s’y connaît en fait de subtilités et prend ses précautions.


Alexis savait les capacités de sa mère, et à peine eut-il saisi le pouvoir qu'il se déchargea sur elle de l’administration, tandis qu'il se consacraït surtout aux affaires militaires. Il Le ft en fils confiant et soumis : son obéissance est édifiante. Nous l'avons vu renoncer comme adolescent à une campagne qui l’attirait ; dès qu'il sera autorisé à partir, pour complaire à sa mère, il aura comme compagnon de tente le vénérable moine Joannice; il ne fera rien sans son conseil au moment du complot ?, et quand il cherchera le moyen d’expier les crimes qui se sont commis dans Constantinople lors de sa révolte, c'est encore à sa mère qu'il s’adressera. Celle-ci, tout heureuse de constater des sentiments si nobles et si chrétiens, l’embrassera joyeusement et le décidera à s’en remettre à la décision de l'Eglise ?.


Le chrysobulle, par lequel Alexis confie le pouvoir à sa mère qui devient ainsi plus impératrice que la femme même de l’empereur, résume dans une phrase la grande affection que la mère et le fils avaient l’un pour l’autre: c’étaient deux corps, mais une seule âme *. De fait Anne Dalassène non seulement partagea le gouvernement avec Alexis, mais elle fut un temps le véritable chef de l'empire, nous dit sa petite-fille, et le basileus ne semblait que l’exécuteur de ses volontés 5.


[l y avait un certain désintéressement dans ce désir du pouvoir ; Anne Dalassène voulait celui-ci, non pour elle-même, mais pour sa famille, dont elle avait toujours cherché la fortune au moyen des alliances matrimoniales, à défaut du trône. C’est ainsi qu’elle avait marié à un fils de Romain Diogène, Constantin, sa fille Théodora qui ne fut pas heureuse‘ ; son fils Isaac à une parente de l’impératrice Marie d’Alanie ; elle avait fiancé sa petite-fille, une fille de Manuel, à un parent de Nicéphore Botaniatès *, et son fils Alexis à [rène Doukas. De la sorte, elle avait allié les siens à toutes les familles qui occupaient ou venaient d'occuper le trône : les Doukas, les Diogènes, les Botaniatés.


Cette ambition maternelle s’alliait fort bien chez Anne Dalassène à une grande piété. On est tellement accoutumé à la voir visiter les églises que personne n’est étonné quand elle décide, un soir, d'aller prier dans les sanctuaires de Constantinople, et qu’elle ordonne de préparer les montures pour elle et sa suite ?.


Une fois ses vœux comblés par l'avènement au pouvoir d’un de ses fils, elle songe à quitter le palais, nous dit Anne Comnène, pour mener une vie plus haute en sc retirant dans un monastère, et Alexis fait tout pour l'en détourner. Prise entre son pieux désir, qu'elle demande toujours au Ciel de pouvoir réaliser, et son amour maternel, elle se laisse accaparer par son fils et associer au gouvernement par le chrysobulle dont nous avons parlé %. Maïs elle s’efforcera toujours de concilier ses deux ambitions ; et tout en s’occupant d'administration, elle ne néglige aucun des devoirs de la vie monastique, veillant la nuit pour dire l'Office et priant pour ainsi dire continuellement. Aussi bien était-elle particulièrement bienveillante envers les prêtres et les moines qu'elle invitait souvent à sa table #. Le célèbre moine Euthyme Zigabène, l'auteur de la « Panoplie dogmatique * », le vénérable moine Joannice étaient de ses protégés ©.


Cependant cette piété se joignait à une grande prudence, et nous avons vu qu’un jour, telle croix n'avait pas une vertu suffisante pour cette femme, si elle n’était en même temps celle du basileus, de taille assez grande pour être bien visible. Nous sommes étonnés même de constater chez une chrétienne si convaincue des senti- ments d’'hostilité profonde envers. la famille des Doukas ; elle ira jusqu'à faire déposer le patriarche Kosmas qui a voulu à tout prix couronner impératrice Irène Doukas, la femme d’Alexis : ainsi remarquons-nous, non sans surprise, qu'après le triomphe d’Alexis, obtenu grâce aux Doukas, Anne Dalassène était prête à sacrificier ceux-ci et à faire répudier l’épouse légitime de son fils. Calcul politique, ou rancœur, puisque c'était un Doukas qui avait recueilli l'héritage d’Isaac Comnène, refusé par son frère Jean ? Toujours est-il que les faits sont là, avoués par Anne Comnène !. Aussi bien cette femme savait-elle être énergique, et nous la verrons commander d’aveugler sur-le-champ un intrigant terrible, le pseudo-Diogène, qu’on avait réussi à capturer ?






Isaac Comnène.

 Nous avons dit un mot de Manuel Comnène, le frère aîné d'Alexis, mort prématurément, et dont la fille avait été fiancée par Anne Dalassène à un parent de l’empereur Nicéphore Botaniatès. fsaac devint alors le chef de la famille. Anne nous le décrit comme un homme séduisant, distingué, causeur charmant, bref la réplique d’Alexis qu’il aimait profondément et qui le lui rendait. Il avait été duc d’Antioche, et l’impératrice Marie d’Alanie l'avait voulu comme époux pour sa propre nièce . Quand il fallut faire le choix d’un empereur, il se désisia généreusement en faveur d'Alexis son cadet #, qui se déchargea sur lui, comme sur sa mère, de l’administralion 5. Il arrive même à sa nièce, Anne Comnène, de l’appeler expressément « basileus », sans doute pour faire reconnaître le haut rang qu’il occupait au palais, bien qu'il ne portât pas la pourpre ‘. Très habile dans l’art de dissimu-ler, qualité si nécessaire à Constantinople 7, doué d’un sens psychologique très averti qui saïitse ménager des amis partout $, jusque parmi les maïtres d'hôtel du palais, brave jusqu’à la témérité, et incorrigible toul en ayant été fait plusieurs fois prisonnier , violent jusqu'à ne plus se possé-
















der et à faire des scènes de famille pénibles en présence du basileus!, il sera le type achevé du Byzantin quand nous l’aurons vu examiner Italos sur sa doctrine et condamner lui-même les erreurs théologiques de cet hérésiarque ?.


Il avait un fils que l’Alexiade nous présente comme un enfant prodige, à l'intelligence précoce et d'esprit fort aimable : il est vrai qu’il s’agit de le faire agréer comme le fiancé possible d’une princesse allemande, pour sceller l’allance entre le basileus et Henri IV *. Plus tard nous le retrouverons moins avantagé quand nommé, jeune encore, duc de Dyrrachium, il devra venir en toute hâte devant un conseil de famille se justifier d’une accusation de trahison portée contre lui * ; ét quand il aura essuyé revers sur revers, vaincu par les Dalmates 5, Anne Comnène n'osera pas cependant le charger, car c’est son cousin-germain ; mais on lit aisément entre les lignes qu’elle ne l’apprécie pas et n’a pour lui aucune sympathie.

















Frères et Sœurs.

Elle se tait de la même manière sur son frère Jean, devenu basileus à la mort de son père. À s’en tenir à l’Alexiade, exception faite de quelques sous-entendus, on ne soupçonne aucun des événements tragiques que nous révèlent les autres historiens.


Jean était un tard venu dans la famille impériale, et ce fut son grand tort aux yeux de sa sœur Anne, l’aînée, déjà couronnée et acclamée, qui ne se souciait guère de se dépouiller au profit du petit noiraud aux yeux vifs, au front large, aux joues maigres, qui était son frère, l'héritier mâle de la famille, né après ses sœurs. Cette naissance de Jean fut une Joie pour ses parents et pour tout le peuple : chacun était dans l’allégresse vraie, ou simulées.


Au reste Anne Comnène ne nous dit que fort peu de chose sur son frère ; celui-ci ne recoit même pas une épithète avantageuse de la part de qui en est prodigue envers les autres membres de sa famille. Un seul trail flatieur : les yeux de l’enfant dénotent un esprit vif; c'est tout. Sans doute, quand il le faut, le nom de Jean figure avec les titres de « basileus et porphyrogénète » ‘. Une mention rapide de ses succès militaires est faite dans l’Introduction ?. Enfin nous le voyons sortir précipitamment et clandestinement des appartements où agonise son père, et gagner en hâte Je grand palais, tandis que la foule de Byzance commence à s’agiter tumultueusement ?.


Zonaras ‘ et Nicétas Choniatès ® nous révèlent les intrigues qui se déroulèrent auprès du lit d’un mourant : la sœur et le frère voulant arracher au dernier souffle du moribond le legs du trône impérial, le silence d’Alexis, la rage des femmes, Anne et sa mère Irène, les complots continuels d'Anne Comnène qui ne recula pas devant le projet d’assassiner son propre frère, la rupture inévitable ct la disgrâce qui en résultèrent.


Aussi comme notre historien parle sur un tout autre ton de son frère le porphyrogénète Andronic, si valeureux et si aimable, si jeune et si beau, accompli en sagesse el en bravoure © ; de son beau-frère, Nicéphorc Euphorbénos Katakalon, qui avait épousé Marie Comnène, très pieux envers Dieu, doux et affable envers les hommes, guerrier courageux et cavalier émérite ; à le voir ainsi à cheval manier si dextrement la lance et se protéger du bouclier, on l'aurait pris non pas pour un Romain, maïs pour un Normand : c'était une merveille ? ; de son oncle le césar Nicéphore Mélissène, qui fut pourtant un rival dangereux pour Alexis au moment où tous deux briguaient le pouvoir #. Eudocie et Marie, les sœurs d'Anne, nous apparaissent comme des modèles de piété filiale, auprès du lit de Leur père mourant qu’elles entourent de leurs derniers soins et de toute leur affection *. Jean est le seul, parmi les membres de sa famille, qui n’ait obtenu de la plume de sa sœur que des traits durs. Aussi ne nous étonnons pas de voir mentionner sèchement dans l’Alexiade la naissance des enfants qu'il eut de la princesse


hongroise, sa femme, deux jumeaux, un garçon et une fille 1.


Une des figures les plus sympathiques A de l'Alexiade est celle du jeune Constantin Doukas, le premier fiancé d'Anne. Héritier légitime du trône par son grand-père Constantin X et par son père Michel VIT, mis à l'écart par Botaniatès, les Comnènes, au moment de leur révolte, s’en constituèrent le défenseur et promirent à sa mère de revendiquer ses droits ?. Ils tinrent parole et quand, après le succès d’Alexis, l’infortunée Marie d’Alanie qui avait vu détrôner ses deux maris, complètement délaissée, s'effrayait justement du sort de son fils unique*, un chrysobulle du nouveau basileus vint garantir les droits du jeune Constantin et l’associer au trône #, C'était la réparation des épreuves et des vexations dont avait souffert cet enfant, lui qui avait dû successivement troquer ses bottines de pourpre, symbole du pouvoir, contre des noires, puis contre d’autres en soie de couleur variée ; enfin il retrouvait la pourpre et tous les hommages dus à un basileus #.


Anne a multiplié sur son fiancé les allusions élogieuses 5. Mais elle nous a tracé un portrait enthousiaste, qui nous représente Constantin comme « l'Amour » enfant. Mieux vaut ne pas l’esquisser, afin de ne pas nuire à la saveur du texte 7. Plus tard, Constantin nous apparaîtra comme un jeune homme à la complexion délicate, que l'empereur chérit comme son propre fils et qu’il entoure de ménagements, parce qu'il manque d'entraînement lors de sa première campagne : aussi le laisse-t-il se reposer près de sa mère dont il traverse le domaine ; il s’y était du reste arrêté en cédant à l'invitation pressante de son futur gendre. Celui-ci répond dignement à l'affection du basileus, et quand Nicéphore Diogène, pour échapper au châtiment qui le menace après avoir si souvent comploté contre la vie de l’empereur, demande à Constantin le cheval dont Alexis lui a fait don, l’autre refuse, en prétextant qu'il lui est impossible de se défaire le jour même d'un présent de si grand prix, venant de son souverain :.


Chose curieuse, Anne ne nous dit rien de la mort de ce jeune homme qu’elle a su nous montrer si sympathique, malgré son insignifiance historique. Mais elle l’aimait, et son affection pour lui rejaillit forcément sur la basilissa Marie d’Alanie qui, une fois le sort de son fils assuré par le chrysobulle d’Alexis, s’était retirée à Saint-Georges de Manganes, propriété splendide ?. Mais cette retraite ne suffit pas à faire taire les mauvaises langues.







































AVANT-PROPOS


L'édition de l’Alexiade d'Anne Comnène se termine avec ce troisième lome. Qu'il soit encore un hommage à notre cher et vénéré Maître M. Ch. Diehl, de l’Institut, qui a tout fait pour que ce travail s’achève, en même temps qu’à lPAssociation Guillaume Budé, qui a poursuivi cette publication avec une intrépidité admirable en surmontant inlassablement les diffrcultés.


Ce livre doit beaucoup comme les précédents à M. R. Guilland, professeur d'histoire byzanhne en Sorbonne, au R. P. F. Tailliez et au R. P. M. Vüiller, professeur ou ancien professeur à l’Inshtut Pontfical des Études Orientales à Rome, qui ont bien voulu avec une complaisance toujours si amicale relire notre manuscril et nous fournir de très précieuses remarques; à M. A. Dain, professeur à l’École des Hautes Études et à la Faculté Libre des Lettres à Paris, qui a été le réviseur le plus dévoue et le plus averti au nom de l'Association Guillaume Budé ; à maître ITelmer, qui a mis encore une fois toute sa compétence d’hellénisle au service de ce volume pour le rendre plus digne de ses lecteurs. Nous tenons aussi à mentionner le nom du R. P. Verdun, s. J-, ancien interne des hôpitaux de Paris, qu nous a fourni un très intéressant diagnostic sur la dernière maladie du basileus Alexis I Comnène. À tous, nous adressons l'expression de notre plas vive gratitude, et nous rendons à chacun la grande part de mérites qu lu revient.




















L'œuvre d'Anne Comnène, mise ansr plus aisément à la portée des humarustes, permettra peul-être à des lecteurs de se mieux comprendre, car l'épopée du basileus Alexis T met à plusieurs reprises en parallèle l’âme occidentale et l'âme byzantine dans une série d’instantanés d'autant plus sauisissants que l’auteur , loin de penser qu’un jour elle serait jugée el appréciée par les descendants de ces « barbares » latrns qu la révollatent ei la captwvaient lout à la fois, les fixe d’un mouvement tout spontané. Dans ses réaclions, nous voyons aussi l’amorce des malentendus tragiques qu allaient, trois siècles plus tard, aboutir à la destruction du grand empire chrétien d'Orient, dont les services rendus à notre cüuisahon n'ont pes fin d’être dénombrés, el qui réserve aux chercheurs comme aur lusioriens lien des richesses encore inexplorées.























































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